jeudi 20 novembre 2014

La littérature française, c'est quoi ?

Sur l’excellent blog de Claro, on apprenait hier que 50 des 450 livres étrangers traduits en anglais et parus aux Etats-Unis cette année étaient français. Au-delà de ce que cela nous dit du « rayonnement culturel de la France à l’étranger » (selon la grille de lecture qu’on adoptera, on pourra soit se réjouir qu’un livre étranger publié aux Etats-Unis sur neuf soit français {cocorico !} soit déplorer que seul 0,005% des livres publiés en France soit proposés sur le marché américain {déclinistes et zemmouriens, réjouissez-vous !}), c’est la liste des auteurs cités par Claro qui soulève en moi une interrogation : la littérature française, c’est quoi ?

Quel est cet ingrédient que l’on retrouve dans le Chevillard et dans le Foenkinos à la manière du trait de citron dont j’arrose tant mon blanc de poulet que mon filet de merlan ? Par quel mauvais miracle voit-on un Pierre Michon côtoyer de si près un Grégoire Delacourt ? Quand je bois du bourgogne, je sais que je trouverai dedans du pinot noir, mais on me sert quoi, exactement, avec cette AOC « littérature française » ? C’est quoi ce terroir sur lequel le Marc Levy pousse aussi bien que le Kerangal, qu’est-ce qui permet de rassembler Zeller et — je ne sais pas, moi ? — Gracq sous une unique appellation ?

Notez que ce n’est pas propre à notre petit pays. Il y a quelques semaines à peine, comme je lui avouais un penchant pour la littérature allemande, ma chère et tendre de me demander avec une naïveté déconcertante :

- C’est comment la littérature allemande par rapport à la française ?
- Bah…

Bah… ouais, je ne sais pas. Et je loue donc sa pertinence !

Je sais seulement que je ne suis pas très convaincu par ces appellations, je ne sais pas ce qu’elles recoupent. Et que je ne suis pas très convaincu non plus par ceux qui affirment que la littérature française serait nombriliste, ou la littérature américaine facile, l’allemande intellectuelle, que la littérature russe a une âme. Moi-même, au demeurant, je suis tombé dans le piège de ces clichés, de cette vision nationaliste de la littérature. J’ai ainsi longtemps cru que j’aimais la littérature russe. Et puis, j’ai découvert qu’en fait, j’aimais surtout Dostoïevski. A l’inverse, j’étais bien persuadé de détester tous les anglo-saxons, mais il y avait Shakespeare, Joyce et maintenant Kesey, Josipovici. Avant de lire Murakami, j’étais même persuadé d’adorer la littérature japonaise, mais je crois bien que j’aimais seulement Kawabata, Inoue et Mishima. Et encore, pour chacun, seulement certaines de leurs oeuvres.


Du coup, j’en viens à souhaiter qu’à la place d’E.E. Schmitt et Bobin, on envoie aux Etats-Unis quelques titres supplémentaires de Schmidt ou de Macedonio Fernandez. Et advienne que pourra du rayonnement français ! Une Internationale du livre, voilà un beau projet !

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