mardi 7 janvier 2014

On fait le bilan ! (1/2)

Début d’année oblige, on clôt 2013 en dressant le bilan des belles lectures de l’année écoulée à travers dix oeuvres qu’on retiendra et qu’on aimerait faire découvrir, présentées (presque) sans classement.

Les 10 lectures de l’année
(Partie 1/2)





L’alpha et l’omega

S’il ne devait en rester qu’un, ce serait lui. Le Faust de Fernando Pessoa reprend le mythe bien connu du savant qui, arrivé au terme de la connaissance de toute chose, bute encore sur l’horreur de l’existence elle-même, énigme impénétrable « que l’esprit ne peut résoudre, ni même concevoir » (préface d’Eduardo Lourenço). Ici, on ne vend pas son âme au diable et c’est tout juste si Méphistophélès apparaît. Plutôt, sur cinq actes composés de courts poèmes, le savant Faust monologue à propos des limites de la connaissance et de la vacuité de l’existence humaine qui en découle, cherche parfois à se divertir de la tragédie de la vie tandis que s’avance l’inéluctable mort, seule réalité perceptible. Une oeuvre dense et servie par une prose magnifique qu’on garde à son chevet.

Faust, Fernando Pessoa, Christian Bourgeois, 295 pp.






Le roman infini

Roman pluriel et culte, livré avec un mode d’emploi, Marelle de Julio Cortazar déconstruit le fait littéraire pour faire jaillir un roman neuf, abordable de toutes les façons et dans lequel on se perd avec délice. Tantôt émouvant quand il s’agit de suivre Horacio et la Sibylle, tantôt complexe lorsque l’on s’imprègne des théories morelliennes, drôle et truculent, aussi, quand on croise Zéphyrin Piriz ou l’inénarrable Berthe Trépat, Marelle est un admirable roman somme et dans lequel on aura plaisir à se replonger, une clope au bec à Paris, ou en suçant un maté dans les rues de Buenos Aires. 

Marelle, Julio Cortazar, Gallimard, 652 pp.






La découverte

Dans Le Plancher, Perrine Le Querrec invente la genèse du Plancher de Jeannot, vaste morceau de bois poinçonné de caractères délivrant leur message paranoïaque et tantôt perçu comme une oeuvre d’art brut ou l’évidence d’une psychose. Triturant le langage comme Jeannot fore ses planches, Le Querrec livre une oeuvre forte et singulière sur le besoin de « déverser le trop-plein ». Grâce à la fiction du Plancher, on comprend toute la tragédie que sous-tend la réalité du Plancher. Quelle que soit l’expression, derrière elle, il y a le besoin : Jeannot la bouche pleine de plancher ; Perrine la bouche pleine de papier ; Paule et la mère, la bouche pleine de terre ; le père la gorge serrée de sang ; et plus loin, les deux cents et nous tous, les yeux pleins de merde. Le Plancher est un texte qui les ouvre.

Le Plancher, Perrine Le Querrec, Les doigts dans la prose, 123 pp.






L’OVNI qui tombe à pic

Dire que ces Souvenirs de l’Empire de l’atome, signés de Smolderen et Clerisse, sont la meilleure BD qu’on ait lue cette année, ça ne veut pas dire grand chose. Et pourtant, comment résumer autrement qu’en l’appelant un coup de coeur ce livre étrange au graphisme délicieusement rétro évoquant les cases des bandes-dessinées de SF des années 50, foisonnant de clins d’oeil vers les classiques du neuvième art (Zorglub, notamment) et au scénario loufoque qui nous fait voyager de 1950 à l’an 121 000 (environ) ? Contentons-nous juste de recommander chaudement la lecture de cette oeuvre qui ne ressemble à rien d’autre, dont le plaisir qu’elle procure est exponentiel à la complexité de son intrigue alambiquée.

Souvenirs de l’Empire de l’atome, Thierry Smolderen & Alexandre Clérisse, Dargaud, 144 pp.






Le vieux nobélisé qui réconcilie avec la littérature américaine

Si l’on me suit un peu, on aura noté l’intérêt tout relatif que je porte à la littérature américaine contemporaine. La Planète de Mr. Sammler, de Saul Bellow, a quelque peu ravivé cette flamme un peu faiblarde. Republié récemment dans une édition qui comprend également Herzog, j’avais acheté le livre pour cette oeuvre-ci, mais c’est finalement Sammler que j’ai lu. Bien m’en a pris puisque Bellow, à travers le regard que jette un vieux Juif européen rescapé des camps sur la jeunesse new-yorkaise, évoque une foultitude de thèmes allant de la banalité du mal à l’individualisme exacerbé des nouvelles générations, poussées par un désir insatiable de reconnaissance et de singularité. Les rois barbares et les aspirations individualistes se mêlent avec brio dans cette oeuvre faussement conservatrice qui ouvre de magnifiques pistes de réflexion.


La Planète de Mr. Sammler, Saul Bellow, Gallimard, 304 pp.

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